Le nouvel État indien du Telangana s’est lancé dans un vaste projet : la restauration de la nécropole des Qutb Shahi. Au fur et à mesure que les travaux progressent, c’est une dynastie oubliée qui sort des limbes de l’histoire, celle des sultans fondateurs de la capitale Hyderabad.
“Le royaume de Golconde est le pays des diamants […]. Le château où le roi tient ordinairement la cour est à deux lieues de Bagnagar ; on l’appelle Golconde et le royaume en porte le nom. […] [Ce nom vient] du mot golcar, qui en langue télougou veut dire un berger […]. La sépulture du roi qui a bâti Golconde et celles des cinq princes qui ont régné après lui […] ont une grande étendue, à cause que chacune est dans un grand jardin […]. [Certaines de ces tombes] sont revêtues de cette belle pierre, les autres le sont de pierre noire et quelques-unes de pierre blanche avec un vernis luisant qui les fait paraître de marbre fin […]. Le tombeau du roi dernier mort est le plus beau de tous : son dôme est vernissé de couleur verte.”
Voyages de M. de Thévenot (1684).
Au XVIIe siècle, l’Inde était une terre fascinante pour les voyageurs comme le Français Jean de Thévenot. On y découvrait l’opulence des cours moghols, l’abondance des ressources naturelles et l’attrait d’une culture sans point commun avec l’Occident. Les mines de Golconde, seul gisement de diamant connu à l’époque, contribuaient à cette fascination. D’ailleurs, deux siècles après le périple de Jean de Thévenot en Inde, le mot “Golconde” est entré dans la langue anglaise, défini par le dictionnaire Oxford comme une “source de richesse, d’avantages ou de bonheur”.
Cet article n’entend toutefois pas raconter l’histoire de ces mines ou des pierres précieuses qu’elles renferment, mais plutôt celle des rois qui ont jadis régné sur Golconde. Les Qutb Shahi, renommés pour leur mécénat dans un royaume au carrefour de multiples cultures, étaient contemporains des Moghols. À partir de 1512, cette dynastie musulmane a gouverné les régions qui correspondent aux actuels États de l’Andhra Pradesh, du Telangana et du Tamil Nadu [sur le plateau du Deccan, dans le sud de la péninsule indienne]. Elle a régné jusqu’à ce qu’Aurangzeb, le dernier des Grands Moghols, ne conquière Golconde en 1686-1687.
Le vestige de la mémoire
L’histoire ne s’attarde pas sur les perdants : le vainqueur construit l’historiographie, tandis que le vaincu est mis sur la touche. Le destin des Qutb Shahi n’a pas dérogé à la règle. La ville qu’ils ont fondée, Hyderabad, a prospéré [elle est aujourd’hui la capitale de l’État du Telangana], et le monument emblématique de Charminar (construit par le cinquième roi, Muhammad Quli Qutb Shah, pour commémorer l’éradication d’une peste) est devenu l’un des symboles les plus reconnaissables d’Inde, mais cela n’a pas empêché les Qutb Shahi de tomber progressivement dans l’oubli.
Un vestige de leur existence, depuis longtemps délaissé, est toutefois remis à l’honneur. C’est une nécropole sise au pied du célèbre fort de Golconde [situé à 8 kilomètres d’Hyderabad et aujourd’hui en ruine]. Tous les rois de la dynastie, sauf le dernier, y sont enterrés, et leurs tombeaux témoignent de la grandeur et de la décadence de leur règne. Aujourd’hui, près de quatre siècles après la chute du huitième et dernier roi, Abul Hasan Tana Shah, un projet cherche à leur redonner vie, grâce aux monuments qui commémorent leur mort.
Les tombeaux des Qutb Shahi s'étendent sur près de 43 hectares. Le parc est planté de 4000 arbres de 65 espèces différentes et regroupe 75 monuments, dont 40 mausolées, 23 mosquées, 6 baoli (puits à degrés) un hammam, des pavillons et des jardins.